mardi 19 septembre 2017

Langgaard : Symphonie N°1 en si mineur, "Pastorale des rochers"


Inspiré par les montagnes du sud de la Suède, Rued Langgaard composa sa Première Symphonie entre 1908 et 1909. Le Danois la révisa jusqu’en 1911, date de la version définitive. Il avait alors dix-sept ans, un âge qui rend exceptionnelles les dimensions de cette Pastorale des rochers. En effet, l’œuvre dure plus d’une heure, comporte cinq mouvements (ce qu’elle partage avec la Pastorale de Beethoven et la Fantastique de Berlioz) et requiert un immense orchestre, digne des symphonies d’Anton Bruckner. D’ailleurs, elle ressemble aux œuvres de ce dernier, de par son orchestration et son atmosphère épique. Ces caractéristiques plurent aux premiers auditeurs de la symphonie, qui étaient allemands ! De fait, la création de l’œuvre eut lieu en 1913 à Berlin. Toutefois, ce succès initial resta sans lendemain… En effet, la Symphonie fut rejetée par les orchestres de Stockholm et de Copenhague, qui la jugèrent trop difficile. Le caractère orgueilleux et rancunier de Langgaard fit le reste : l’œuvre ne fut redécouverte qu’en 1984 avant d’être enregistrée plusieurs fois.

Les montagnes dont s'est inspiré Langgaard pour sa Pastorale des rochers
Les montagnes dont s'est inspiré Langgaard pour sa Pastorale des rochers

ANALYSE SUCCINCTE :

I) Vagues de lumière et aperçus du Soleil. Maestoso :

La symphonie débute avec un thème péremptoire et majestueux aux cuivres, répété tout au long du premier mouvement. Rien de plus normal puisqu’il représente la montagne. Quant à ses multiples occurrences, elles figurent les vagues de lumière dont il est question ici. Ce motif agit comme un moteur et propulse le morceau en amenant divers épisodes. Le premier d’entre eux est assez détendu et peut faire songer à une espèce de danse rustique, que dominent des cordes et des bois apaisés. Mais le calme de ce passage ne dure pas, le thème principal amenant une tempête. En effet, l’orchestre se fait menaçant et tonne sous les éclairs des cymbales. Cependant, l'orage finit par se dissiper et laisse le Soleil apparaître. Ce passage inouï se démarque par l’ostinato des cordes, qui prépare une illumination fortement cuivrée. Un retour du thème de valse succède au chant triomphal des trompettes avant la péroraison finale, aveuglante de clarté.

II) Fleurs des montagnes. Lento :

Dans ce premier Lento, le héros incarné par l’orchestre commence à gravir les flancs de la montagne et médite dans le calme des prairies d’altitude. De fait, une atmosphère champêtre imprègne l’ensemble du morceau : les bois et les cors sont à l’honneur et chantent la beauté d’une Nature vierge et pure. Cette ambiance contemplative conduit naturellement à la rêverie et à la Légende suivante.

III) Légende. Lento :

Dans ce second Lento, le randonneur se met à rêver d’une époque fantastique, faite d’exploits et de chevalerie. Les fins entrelacs des cordes semblent tisser la toile du songe, qu’anime la lente mélopée des bois. Soudainement, le rêve prend forme et donne vie à un monde révolu : sur l’ostinato des cuivres, les cordes aigües exposent un thème ascendant et héroïque. Ne croirait-on pas entendre les voix du passé ? Quoiqu’il en soit, la mélodie est reprise aux cuivres après un long crescendo. Elle finit par se dissiper : les bribes du rêve s’évanouissent.

Rued Langgaard en 1918
Langgaard en 1918, six ans après avoir achevé sa Symphonie N°1

IV) Ascension. Marcato :

Ce mouvement est une marche volontaire vers le sommet de la montagne : les vents dominent et énoncent le thème principal sur un sombre tapis de cordes. Exposé dès le début de l’Ascension, ce motif emporte le morceau dans une course folle. Sa réexposition triomphante dans une débauche de trompettes et de percussions représente la « vue du vaste horizon et des crêtes blanches, qui emplissent le cœur d’un nouveau courage ».

V) Courage. Maestoso allargando :

Courage, c’est justement le sous-titre de ce vaste finale, le cœur de toute la symphonie. Il commence dans les ténèbres, que zèbrent les cordes graves. Les cuivres entrent alors en scène pour présenter le premier thème de la forme sonate : tout comme le motif de l’ascension ou celui de la montagne, il est très dynamique et conduit le mouvement. Très lyrique, le thème secondaire est exposé peu après. Il s’agit d’une longue mélodie confiée aux cordes, dont le caractère contemplatif s’oppose au dynamisme du premier motif. Ce dernier inaugure un développement assez long et à l’issue incertaine, aucun des deux thèmes ne parvenant à s’imposer. Finalement, c’est l’idée principale qui l’emporte au terme d’un combat épique. Son triomphe introduit la section finale. Pour marquer le coup, l’orchestre se renforce d’un groupe de cuivres supplémentaire (trois trompettes, trois trombones et un tuba). La symphonie se conclut en apothéose, dans le tumulte majestueux des fanfares et des percussions.

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