Composé en 1868, le Concerto pour piano d’Edvard
Grieg est l’œuvre d’un jeune homme vigoureux et lyrique. Ces qualités
imprègnent d’ailleurs le morceau, dont la fougue occulte quelques rares
imperfections (on pense notamment à la lourdeur de l’orchestre, très chargé en
cuivres). Tant et si bien que Franz Liszt en personne félicita Grieg pour son
œuvre, si proche du Concerto de Schumann. De fait, les deux pièces emploient la
même tonalité de la mineur et sont habitées par un même souffle romantique.
Mais bien qu’Edvard Grieg connaissait le Concerto de Schumann (il l’avait
entendu au Conservatoire de Leipzig), la similitude s’arrête là. En effet,
l’œuvre du Norvégien est libre de toute influence allemande : c’est bien
l’âme de la Scandinavie qu’il exalte passionnément. D’ailleurs, cela explique
peut-être son succès, jamais démenti depuis 1869, année de sa création à
Copenhague.
ANALYSE :
Le Concerto commence par un roulement de timbales,
immédiatement suivi par une cascade descendante du piano. Cette célèbre
introduction en la mineur laisse la place aux bois (clarinette, flûte, hautbois
et basson), qui exposent le premier thème. En rythme pointé, ce motif est
inspiré du halling, une danse populaire norvégienne. Le piano reprend ce thème, avant de céder sa place aux violoncelles. Ceux-ci présentent le
second thème de la forme sonate, d’un lyrisme appuyé. Le piano reprend ce motif
à son compte et commence un chant passionné. L’irruption des trompettes annonce
le développement, brillante opposition entre les deux thèmes. Le premier domine
largement : on en perçoit des fragments aux flûtes et aux cors, que
soutient le soliste. La récapitulation arrive rapidement et se conclut par une
fanfare grandiose, qui marque le début de la cadence. Au cours de ce passage
crescendo, le piano est à l’honneur, de sorte que le soliste puisse montrer sa
virtuosité. Un retour des accords initiaux achève ce premier mouvement.
Les accords commençant le Concerto pour piano d'Edvard Grieg |
Le mouvement lent contraste avec celui qui précède,
que ce soit par sa tonalité (ré bémol majeur au lieu de la mineur) ou son
atmosphère. Un noble thème est d’abord énoncé par les cordes dans leur registre
medium. Il s’agit d’une ample méditation, froide et sinueuse. Le piano ne tarde
pas à prendre le relais, développant sa propre mélodie. Il reprend aussi le
premier thème, sur les accents enchanteurs du cor. Un sombre pianissimo achève
ce splendide nocturne, à peine éclairé par les lumières sélènes.
La clarinette et le basson introduisent le finale
et précèdent le premier thème. Celui-ci utilise de nouveau un rythme de
halling. Ses accents fortement marqués accentuent le caractère de marche
imprégnant ce passage. Une seconde idée mélodique est exposée par le piano,
mais celui-ci revient vite au premier thème. A ce stade, on s’attendrait à un
développement de forme sonate. Mais c’est un doux cantabile de la flûte qui
surgit, lyrique et rêveur ! Le piano se joint à cet interlude pastoral,
avant d’être secondé par la clarinette. Toutefois, le halling reprend ses
droits, passant du piano à l’orchestre. Peu à peu, la musique prend des accents
grandioses, avant d’introduire l’ultime cadence. Brillante d’ingéniosité, celle-ci
suscita l’admiration de Franz Liszt et conclut magistralement ce concerto,
subtil alliage de fraîcheur, de fougue et de virtuosité.
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