mardi 12 septembre 2017

Jean Sibelius, le Beethoven du XXème siècle


« Plus mauvais compositeur de tous les temps » (René Leibowitz) pour les uns, « meilleur symphoniste depuis Beethoven » (Arturo Toscanini) pour les autres, le Finlandais Jean Sibelius (1865 – 1957) a suscité des jugements contradictoires tout au long du XXème siècle. Le compositeur n’était d’ailleurs pas exempt de ces paradoxes qui font les grands créateurs puisqu’il admirait Schönberg tout en rejetant son œuvre… Ainsi, Sibelius resta toujours fidèle à la tonalité et forgea son propre style.

Portrait du jeune Jean Sibelius
Portrait du jeune Jean Sibelius

La carrière de Sibelius débuta à la fin du XIXème siècle avec Kullervo, une cantate pour chœur et orchestre inspirée par les légendes du Kalevala. Quelques années plus tard, le compositeur présenta sa Première symphonie au public. De style romantique, elle reçut un accueil chaleureux et fit de son auteur le plus célèbre musicien d’Helsinki. Peu après, le poème symphonique Finlandia confirma la réputation naissante de Sibelius. Ce « morceau de bravoure » servit rapidement d’hymne secret au peuple finlandais, qui vivait encore sous domination russe. Puis vint le premier chef-d’œuvre : la Deuxième symphonie en ré majeur. Laissez-vous donc emporter par le souffle épique de son finale, aux imposantes sonneries de cuivres. Avec cette immense symphonie  s’acheva la première période créatrice de Sibelius, faite de grandes fresques romantiques. Un tout autre univers s’ouvrait alors au compositeur…

Sibelius à l'époque du Concerto pour violon
Sibelius à l'époque du Concerto pour violon

La première œuvre de cette nouvelle période fut le Concerto pour violon et orchestre. C’est une pièce maîtresse du répertoire, qui s’est imposée grâce à sa poésie. En effet, le chant du violon s’y fait noble et pur et évoque des paysages enneigés. Quant à l’orchestre, il est plus petit que dans les premières symphonies. C’est là la caractéristique majeure du Sibelius de la maturité : la concentration du langage et un retour à un classicisme beethovénien plus sobre mais mélancolique et rêveur, très éloigné de la démesure postromantique. La Symphonie N°3 est un excellent exemple de cette évolution. Elle emploie un orchestre relativement petit et ne comporte que trois mouvements. C’est par ailleurs un miracle d’unité et de maîtrise formelle. La Symphonie N°4 n’est quant à elle que ténèbres et désolation car Sibelius l’écrivit dans la peur d’un cancer de la gorge (qui fut fort heureusement soigné)… Puis vint la Symphonie N°5, considérée comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre du XXème siècle. Comme dans toutes ses œuvres de la maturité, Sibelius y gère la tension dramatique par l’harmonie et l’accumulation des strates sonores, au-dessus desquelles éclatent de grands thèmes aux cuivres. D’après la légende, un vol de cygnes inspira le finale de cette immense symphonie. C’est possible car Sibelius se fit de plus en plus proche de la Nature en vieillissant. Il finit d’ailleurs par la mettre en musique.

En effet, dans ses dernières œuvres, le compositeur fit fusionner son style avec les paysages finlandais. Car c’est surtout ça le dernier Sibelius : une proximité indéniable avec la Nature qui le rapproche de Beethoven ; un labyrinthe de sons inspiré par l’immensité désolée des forêts finnoises au milieu desquelles vivait le maître. La Sixième Symphonie de Sibelius est d’ailleurs surnommée la « Pastorale du Nord ». Quant à la Septième de 1923, elle semble sortie tout droit des profondeurs de la Terre et son unique mouvement se déploie comme une coulée de lave incandescente et minérale. En revanche, j’ignore à quoi ressemblait la Symphonie N°8 de Sibelius. En fait, personne ne le sait car le maître finlandais en a brûlé la partition avant même qu’elle soit jouée. Avait-il peur des réactions du public ? De la critique ? Mystère... Toujours est-il qu’après avoir écrit Tapiola en 1926, Sibelius se mura dans le silence jusqu’à sa mort.

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