« Plus mauvais compositeur de tous les temps » (René Leibowitz) pour les uns,
« meilleur symphoniste depuis Beethoven » (Arturo Toscanini) pour les autres, le Finlandais Jean Sibelius
(1865 – 1957) a suscité des jugements contradictoires tout au long du XXème
siècle. Le compositeur n’était d’ailleurs pas exempt de ces paradoxes qui font
les grands créateurs puisqu’il admirait Schönberg tout en rejetant son œuvre…
Ainsi, Sibelius resta toujours fidèle à la tonalité et forgea son propre style.
Portrait du jeune Jean Sibelius |
La carrière de Sibelius débuta à la fin du XIXème siècle avec Kullervo, une cantate pour chœur et
orchestre inspirée par les légendes du Kalevala. Quelques années plus tard, le
compositeur présenta sa Première
symphonie au public. De style romantique, elle reçut un accueil chaleureux
et fit de son auteur le plus célèbre musicien d’Helsinki. Peu après, le poème
symphonique Finlandia confirma la
réputation naissante de Sibelius. Ce « morceau de bravoure » servit rapidement
d’hymne secret au peuple finlandais, qui vivait encore sous domination russe. Puis
vint le premier chef-d’œuvre : la Deuxième
symphonie en ré majeur. Laissez-vous donc emporter par le souffle épique de
son finale, aux imposantes sonneries de cuivres. Avec cette immense symphonie s’acheva la première période créatrice de
Sibelius, faite de grandes fresques romantiques. Un tout autre univers
s’ouvrait alors au compositeur…
Sibelius à l'époque du Concerto pour violon |
La première œuvre de cette nouvelle période fut le Concerto pour violon et orchestre. C’est une pièce maîtresse du
répertoire, qui s’est imposée grâce à sa poésie. En effet, le chant du violon
s’y fait noble et pur et évoque des paysages enneigés. Quant à l’orchestre, il
est plus petit que dans les premières symphonies. C’est là la caractéristique
majeure du Sibelius de la maturité : la concentration du langage et un retour
à un classicisme beethovénien plus sobre mais mélancolique et rêveur, très éloigné de la
démesure postromantique. La Symphonie N°3
est un excellent exemple de cette évolution. Elle emploie un orchestre
relativement petit et ne comporte que trois mouvements. C’est par ailleurs un
miracle d’unité et de maîtrise formelle. La Symphonie
N°4 n’est quant à elle que ténèbres et désolation car Sibelius l’écrivit
dans la peur d’un cancer de la gorge (qui fut fort heureusement soigné)… Puis
vint la Symphonie N°5, considérée
comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre du XXème siècle. Comme dans toutes ses
œuvres de la maturité, Sibelius y gère la tension dramatique par l’harmonie et
l’accumulation des strates sonores, au-dessus desquelles éclatent de grands
thèmes aux cuivres. D’après la légende, un vol de cygnes inspira le finale de
cette immense symphonie. C’est possible car Sibelius se fit de plus en plus
proche de la Nature en vieillissant. Il finit d’ailleurs par la mettre en musique.
En effet, dans ses dernières œuvres, le compositeur fit fusionner son style
avec les paysages finlandais. Car c’est surtout ça le dernier Sibelius :
une proximité indéniable avec la Nature qui le rapproche de Beethoven ; un labyrinthe de sons inspiré
par l’immensité désolée des forêts finnoises au milieu desquelles vivait le maître.
La Sixième Symphonie de Sibelius est
d’ailleurs surnommée la « Pastorale du Nord ». Quant à la Septième de 1923, elle semble sortie
tout droit des profondeurs de la Terre et son unique mouvement se déploie
comme une coulée de lave incandescente et minérale. En revanche, j’ignore à
quoi ressemblait la Symphonie N°8 de
Sibelius. En fait, personne ne le sait car le maître finlandais en a brûlé la
partition avant même qu’elle soit jouée. Avait-il peur des réactions du
public ? De la critique ? Mystère... Toujours est-il qu’après avoir
écrit Tapiola en 1926, Sibelius se
mura dans le silence jusqu’à sa mort.
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