Hector Berlioz (1803-1869) est le plus romantique des compositeurs
français. C’est aussi l’un des plus singuliers. En effet, il composa son œuvre
la plus célèbre à 27 ans, avant même d’avoir achevé ses études et de remporter
le Grand Prix de Rome (voir la note) ! Cette œuvre, c’est la fameuse Symphonie fantastique.
Une symphonie fantastique !
Créée en 1830 au Conservatoire de Paris, cette œuvre gigantesque est
devenue le symbole du romantisme en musique. Quoi de plus logique sachant que
dans cette œuvre, Berlioz parle surtout de son amour passionné pour l’actrice
Harriet Smithson ? En fait, la Symphonie
fantastique est une œuvre à programme. Elle est d’ailleurs sous-titrée Episodes de la vie d’un artiste.
Ainsi,
le premier mouvement représente la passion de l’artiste en question pour son
amante. Remarquez le thème lyrique qui irrigue ce mouvement, typiquement
berliozien avec ses cascades de croches… Il s’agit de « l’idée fixe »
symbolisant l’être aimé. Le passage suivant s’intitule Un bal. Il s’agit d’une musique enivrante, comme peut l’être une
danse avec la femme que l’on aime. Berlioz enchaîne avec une scène pastorale : en se promenant dans la campagne, le héros entend au loin le
son d’une flûte de Pan… Un orage approche et se fait menaçant, telle une
prémonition du drame à venir. Car la tragédie guette. Au cours de sa promenade,
l’artiste surprend sa maîtresse avec un autre homme. Désespéré, il s’empoisonne
à l’opium. La substance ne le tue pas mais le fait délirer : il rêve qu’il
assassine sa fiancée puis qu’il est condamné à mort pour ce crime. Vient donc
la Marche au supplice. Il s’agit d’une
procession tour à tour sombre et rutilante. Alors que l’ambiance lugubre de
cette marche se dissipe, les timbales tonnent et le couperet tombe sur la nuque
du condamné. Après son exécution, le héros songe qu’il se retrouve en Enfer
pour une nuit de Sabbat endiablée. Dominé par le thème du Dies irae et une version abâtardie de « l’idée fixe », ce
finale est particulièrement évocateur. Cette musique hallucinée met en lumière
l’une des caractéristiques du génie de Berlioz : son goût prononcé pour « l’outrance »
et les effets orchestraux.
Il faut bien vous représenter le choc que représenta
la Symphonie fantastique lors de sa
création. Le romantisme n’en n’était qu’à ses balbutiements lorsque Berlioz
écrivit cette œuvre passionnée, à l’écriture particulièrement neuve pour
l’époque. Après la Fantastique,
le pathos et le gigantisme devinrent la règle en musique. Jusqu’au XXème siècle
en tout cas.
Hector Berlioz vers 1855, aigri par ses échecs en France |
Un compositeur-poète :
La Symphonie fantastique
montre aussi le goût de Berlioz pour la musique descriptive, une attitude très
moderne pour son époque. De fait, ses deux autres symphonies sont inspirées
d’œuvres littéraires. La première est intitulée Harold en Italie. Il s’agit d’une espèce de concerto pour alto et
orchestre, sur un argument de Byron. Là encore, la musique se fait très
évocatrice. Les mouvements que je préfère sont la Marche des pèlerins à la solennité tranquille et la Sérénade d’un montagnard des Abruzzes à samaîtresse, au caractère particulièrement allègre. Le finale de l’œuvre,
intitulé Orgie de brigands, ressemble
un peu à celui de la Fantastique. On
y retrouve le génie incandescent de Berlioz pour les scènes frénétiques.
La dernière symphonie de Berlioz s’appuie sur le Roméo et Juliette de William Shakespeare. Comment un artiste aussi
romantique que notre compositeur pouvait ignorer un tel sujet ? Il ne le
pouvait pas et Berlioz s’investit à fond dans cette œuvre qui le passionnait.
Il s’agit de l’une des symphonies les plus inspirées du répertoire, et par
là-même l’une des plus inégales. Conçue pour chœur, solistes et orchestre, elle
est assez longue et comporte maints passages magnifiques. Ainsi, la Tristesse de Roméo ou la Scène d’amour figurent parmi les
meilleures pages du romantisme français. Force est de reconnaître qu’elles
transcendent le drame shakespearien. Toutefois, la symphonie est un peu trop
longue. Peut-être souffre-t-elle de sa forme incertaine, à mi-chemin entre la
cantate, la symphonie et l’opéra ?
Justement, parlons un peu d’opéra. Berlioz est le compositeur des Troyens, l’une des plus grandes œuvres scéniques du XIXème siècle. Inspiré par l’Eneide, cet opéra requiert tellement de moyens qu’il n’est jamais joué en entier (chose courante pour Berlioz : son Te Deum et son Requiem nécessitent des centaines d’exécutants)… N’oublions pas non plus les délicates Scènes de Faust, dont vous connaissez probablement la Marche hongroise. Par ailleurs, Berlioz conçut de nombreux projets d’opéras au cours de sa vie. Les ouvertures correspondantes sont jouées régulièrement. Ce sont des belles pièces orchestrales, dotées d’un grand souffle romantique. Un corpus vraiment remarquable à découvrir !
Note : Le grand Prix de Rome était un concours destiné aux jeunes artistes. Le vainqueur se voyait financer un long voyage à Rome par le gouvernement français. Il pouvait ainsi découvrir la Renaissance italienne et se perfectionner. Le Grand Prix de Rome fut supprimé en 1968, en raison de son impopularité auprès des étudiants de l’époque…
Un concert en 1846, caricature représentant Berlioz |
Justement, parlons un peu d’opéra. Berlioz est le compositeur des Troyens, l’une des plus grandes œuvres scéniques du XIXème siècle. Inspiré par l’Eneide, cet opéra requiert tellement de moyens qu’il n’est jamais joué en entier (chose courante pour Berlioz : son Te Deum et son Requiem nécessitent des centaines d’exécutants)… N’oublions pas non plus les délicates Scènes de Faust, dont vous connaissez probablement la Marche hongroise. Par ailleurs, Berlioz conçut de nombreux projets d’opéras au cours de sa vie. Les ouvertures correspondantes sont jouées régulièrement. Ce sont des belles pièces orchestrales, dotées d’un grand souffle romantique. Un corpus vraiment remarquable à découvrir !
Note : Le grand Prix de Rome était un concours destiné aux jeunes artistes. Le vainqueur se voyait financer un long voyage à Rome par le gouvernement français. Il pouvait ainsi découvrir la Renaissance italienne et se perfectionner. Le Grand Prix de Rome fut supprimé en 1968, en raison de son impopularité auprès des étudiants de l’époque…
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