De toutes les sonates pour violoncelle et piano que je connaisse, celle
en la mineur de Nikolaï Miaskovski figure parmi les plus émouvantes. Elle fut conçue
entre 1948 et 1949, dans une période trouble marquée par Jdanov et sa campagne
anti-formaliste ; d’ailleurs, Miaskovski fut lui-même incriminé par
l’Union des compositeurs, parmi d’autres grands noms de l’intelligentsia
soviétique. Mais nulle trace de ces accusations dans la Sonate pour
violoncelle et piano en la mineur. En effet, ce n’est pas l’URSS et ses affaires sordides
qui en constituent le sujet mais la Russie éternelle, celle qu’incarne cette
âme slave si mélancolique et passionnée. Il en résulte un court joyau
romantique, profondément ancré dans le folklore russe. D’ailleurs, l’œuvre
respecte le schéma traditionnel en trois mouvements. Ce classicisme valut un étonnant retour en grâce à Miaskovski, consacré dès
1950 par un Prix Staline de Seconde classe ! J’aime à croire que même le
tyran du Kremlin fut ému par cette sonate intense, pleine de douceur et de
poésie…
Nikolaï Miaskovski (1881-1950) au piano |
Le pianiste introduit l’Allegro initial par une série d’arpèges, comme pour préparer l’entrée du violoncelle. Lorsque ce dernier chante enfin le thème principal, d’une grande noblesse, une sorte de miracle s’accomplit : l’auditeur est plongé en pleine grâce, comme enveloppé dans du velours... Que ce soit au piano ou au violoncelle, cette mélodie exhale une douce tristesse et constitue le cœur émotionnel de la sonate. Happé par le sublime, on en oublierait presque les terribles circonstances de sa composition... Bien que plus volontaire, un second motif ne s’impose pas : que pourrait-il faire face à tant de beauté ? Le thème principal achève donc cet allegro d’une pureté cristalline, dans une logique absolument parfaite.
L’Andante cantabile qui suit peut faire songer à Rachmaninov ou Tchaïkovski. D’une grande élégance, il adopte un rythme ternaire et mime une forme très prisée des Russes : la valse. Très retenu, cet intermède cède la place à l’Allegro final, tout en animation festive. Cette conclusion est de forme rondo ; son refrain allie le rythme des danses populaires à la solennité des chants orthodoxes. La sonate s’achève donc sur une double évocation du folklore russe, dans un climat détendu et souriant. Quoi de plus approprié pour une œuvre exaltant l’âme slave ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire