Si vous vous promenez un jour dans les Tatras, vous tomberez peut-être
sur une étrange stèle à svastika. On appelle ce lieu la « Pierre de Karłowicz »
car il marque l’endroit précis où le compositeur polonais fut retrouvé mort en
février 1909, victime d’une avalanche. Cet accident tragique acheva une
carrière ô combien prometteuse… En effet, à 32 ans, Karłowicz avait déjà
composé une quinzaine de numéros d’opus dont presque autant de chefs-d’œuvre !
Parmi ceux-ci se détache la Symphonie op.7, intitulée
« Renaissance ». En fait, il s’agit d’un de ces vastes monuments
inspirés par Bruckner et typiques du dernier post-romantisme. L’orchestration y
est dense et éclatante, notamment dans les fanfares du finale. Ce morceau
ambitieux voisine avec l’ensemble des six poèmes symphoniques, véritable magnum
opus de Karłowicz. Ces derniers illustrent parfaitement la doctrine esthétique
du compositeur qui prônait « l’art pour l’art », en réaction à la
musique descriptive. De fait, les titres de ses œuvres sont flous et
métaphysiques, laissant une large part à l’interprétation et au rêve (au
contraire des poèmes symphoniques de Liszt ou de Smetana, qui comportent un
programme précis).
Par exemple, les Chants éternels op.10 constituent une sombre méditation
sur la vie et la condition humaine, divisée en trois parties : Chant de l’éternelle aspiration, Chant de l’Amour et de la Mort, Chant de l’être universel. Bien qu’abstrait, ce triptyque est vraiment génial, à mi-chemin
entre Wagner et Sibelius. La fin est particulièrement belle et exaltante, d’une
majesté à couper le souffle.
Tout aussi intéressante est la Rhapsodie lituanienne. Là encore, nul
programme précis mais une simple évocation de la Lituanie et de ses danses
folkloriques, à travers une mélopée tristement obsédante. Celle-ci est répétée
jusqu’à l’hypnose avant d’aboutir à une fin épique, glorifiant l’âme slave. Une
apothéose que mériterait Karłowicz, mort trop tôt et injustement méconnu en
France.
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