mardi 16 mai 2017

Richard Wagner ou le magicien de Bayreuth


Qui ne connaît pas le nom de Richard Wagner (1813-1883) ? Dans notre imaginaire collectif, l’illustre compositeur est devenu l’archétype du génie mégalomane et sans scrupules… Si bien qu’il continue de diviser les foules : alors que certains l’adulent comme un Dieu, d’autres le rejettent violemment et le méprisent.
Richard Wagner en 1871
Richard Wagner en 1871 à Munich

Wagner : un personnage exécrable
Il faut dire que Wagner est un cas difficile… Impossible de le défendre sur le plan humain car il était raciste, misogyne et antisémite, des tares qui le disqualifient totalement aux yeux de certains (il convient toutefois de relativiser ces défauts car ils étaient monnaie courante à l’époque). Ajoutons à cela qu’il était malhonnête et dépourvu de toute morale. Ainsi, il passa toute sa jeunesse à fuir des créanciers qu’il ne remboursait jamais ! Sûr de son génie, Wagner pensait que tout lui était dû. Si bien qu’il n’hésita pas à cocufier l’un des premiers défenseurs de sa musique (1) ou à écrire de violents pamphlets contre ses collègues musiciens. Appelé en Bavière par le roi Louis II, Wagner soutira des sommes colossales à cet esprit faible et fantasque. Il s’en servit pour construire le Festspielhaus à Bayreuth, une immense salle de spectacles conçue spécialement pour ses opéras…

Mais un génie universel !
Il lui fallait bien sa salle personnalisée pour appliquer sa vision du drame. En effet, Wagner fut un génie qui révolutionna l’opéra et la musique en général… Persuadé que nul symphoniste ne saurait dépasser la 9ème de Beethoven, il développa la notion d’art total. Pour lui, l’œuvre d’art idéale correspondait à un nouveau genre d’opéra mêlant musique, poésie (2), danse, peinture, tragédie et technique. A cette nouvelle « théorie de la scène » s’ajoutent des innovations musicales importantes. Ainsi, c’est Wagner qui généralisa l’emploi du leitmotiv. Chacun de ses opéras est donc imprégné de thèmes conducteurs qui caractérisent des personnages, des situations ou des objets. Cette caractéristique confère aux drames wagnériens une incroyable unité et aide les spectateurs à suivre l'action.
Portrait de Richard Wagner

De plus, les opéras pré-wagnériens étaient constitués d’une alternance d’airs chantés et de récitatifs parlés. Le génie de Wagner fut de supprimer ces passages ennuyeux et de laisser au chant l’ensemble des paroles. Ainsi, les opéras du Maître de Bayreuth sont pure musique ! C’est d’autant plus vrai que Wagner fit de l’orchestre un personnage à part entière. C’est la suite logique de l’emploi des leitmotivs : puisque les thèmes utilisés ne soutiennent plus l’action mais la symbolisent, l’orchestre passe du rôle de simple accompagnateur (comme chez Verdi ou l’écriture orchestrale est tellement simple qu’elle en est presque indigente) à celui de narrateur. Son écriture orchestrale virtuose permit à Wagner d’opérer ce changement… En effet, il faut bien lui reconnaître un certain génie dans le maniement de l’orchestre (vous n’avez qu’à écouter la Chevauchée des Walkyries ou l’Enchantement du feu pour vous en convaincre) auquel s’ajoute un talent particulier pour l’harmonie. 

Pour toutes ces raisons, les wagnériens convaincus excusent volontiers les petits défauts du Maître. J’ajouterai que s’il n’est pas un saint, Wagner est un modèle absolu de volonté. En effet, il finit par changer la musique et construire son propre opéra alors qu’il n’était parti de rien. Voilà qui pousse à l’admiration !
Quelques leitmotivs wagnériens
Quelques leitmotivs wagnériens

Comment débuter dans Wagner ?
Je dois bien admettre que les opéras de Wagner ne sont pas les plus faciles du monde : les comprendre et les apprécier pleinement nécessite de la concentration et du courage. En effet, le moindre opéra wagnérien dure au moins trois heures. C’est pourquoi il est intéressant de commencer par en regarder des extraits sur l’ordinateur ou à la télévision. De cette façon l’on peut arrêter quand on le souhaite… D’autre part, les paroles seront sous-titrées en français (et Dieu sait que ça facilite grandement la compréhension de l’intrigue)... Pour être honnête avec vous, c’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser au Maître de Bayreuth… Pour débuter, je vous recommande particulièrement Lohengrin, Tannhäuser ou le Vaisseau fantôme. Vous vous garderez la Tétralogie (un ensemble de quatre opéras racontant la chute des Dieux et l’avènement des Hommes) pour plus tard !

Un autre moyen de découvrir Richard Wagner est l’écoute des suites orchestrales tirées de ses opéras. En effet, le musicologue Henk de Viegler a arrangé les principaux drames du Maître en vastes poèmes symphoniques. C’est notamment le cas de la Tétralogie. Les extraits rassemblés par Viegler comportent quelques tubes comme la Chevauchée des Walkyries, les Murmures de la Forêt ou la Marche funèbre de Siegfried. Cette suite permet de se familiariser avec les légendes germaniques qui ont inspiré Wagner (et qui inspirèrent Tolkien un peu plus tard)... Par ailleurs, elles mettent en avant l’une des qualités essentielles de l’orchestre wagnérien : son aspect grisant. Je m’explique : lorsque vous écoutez un opéra de Wagner, vous êtes plongé dans un flux ininterrompu de musique qui progresse par vagues orchestrales tout en restant imprévisible. C’est particulièrement hypnotique ! Les amateurs de répertoire symphonique peuvent aussi essayer les ouvertures du Maître. Elles sont toutes magnifiques (et vraiment épiques) mais ma préférée est celle de Tannhäuser… L’ensemble des suites orchestrales arrangées par Henk de Viegler sont disponibles chez Chandos. Dirigées par le grand chef Neeme Järvi, ce sont vraiment de très belles interprétations. Enfin, je signale un très bon disque paru chez l’éditeur Erato : l’orchestre de l’Opéra de Paris y joue quelques passages de la Tétralogie.

Notes :

(1) Le chef en question s’appelait Hans von Bülow et n’était autre que le mari de Cosima Liszt (la fille du compositeur hongrois Franz Liszt). Celle-ci finit par devenir Cosima Wagner, au grand dam de son ex-mari…

(2) Wagner écrivait lui-même ses livrets d’opéra, ce qui fait de lui l’un des plus grands poètes allemands du XIXème siècle.

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