Rimski-Korsakov : le maître russe de l'orchestre

Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov (1844-1908) n’était pas destiné à devenir musicien : officier de marine, il apprit la composition en autodidacte sur les conseils de Mili Balakirev, le fondateur du groupe des Cinq (1). Après avoir écrit sa Première symphonie en mer, Rimski-Korsakov se perfectionna et finit par obtenir un poste de professeur au Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Fait étonnant pour un « amateur » : il maîtrisait parfaitement l’orchestration et l’enseigna à Prokofiev et Stravinsky. Progressiste, Rimski-Korsakov laisse le souvenir d’un homme tolérant avec ses élèves. Il alla jusqu’à les défendre lors de la Révolution de 1905 (ce qui lui valut son renvoi). Il était aussi fidèle à ses amis, dont il acheva de nombreuses œuvres (2).

Rimski-Korsakov peint par Illia Répine en 1893

Sur le plan musical, Rimski-Korsakov nous a légué plusieurs œuvres orchestrales de première main : le Capriccio espagnol, Antar, Shéhérazade sont d’indéniables chefs-d’œuvre. L’auteur y met à profit son extraordinaire talent d’orchestrateur pour brosser de véritables peintures musicales (3), images fugitives d’un Orient onirique et exubérant. C’est particulièrement vrai pour l’immense Shéhérazade, dont l’écoute évoque toujours le Bagdad des Mille et Une Nuits !

Portrait de Rimski-Korsakov par Valentin Serov

Mais Rimski-Korsakov ne fut pas seulement un grand symphoniste. En effet, son talent de conteur s’exprime aussi dans une douzaine d’opéras. Peu joués en Occident (où l’on ne comprend rien à la Russie de toute façon), ils font partie du répertoire courant au Bolchoï de Moscou ou au Mariinsky de Saint-Pétersbourg. Il est dommage que ces opéras demeurent méconnus par chez nous : la beauté des thèmes, la splendeur de l’orchestration et les livrets épiques inspirés de légendes russes (je pense notamment à Kitège, qui évoque une cité magique sur fond d‘invasions tatares) en font des œuvres parfaitement abouties. 

Mais que les réfractaires à l'opéra se rassurent : Rimski-Korsakov a arrangé ses œuvres scéniques en suites pour orchestre. Elles peuvent s’écouter comme de petites pièces évocatrices ou comme de véritables poèmes symphoniques. Celle tirée du Tsar Saltan contient le Vol du Bourdon, que vous connaissez sans doute (c’est l’une des pièces les plus connues du répertoire, à la virtuosité diabolique). D’une manière générale, ces suites contiennent des merveilles tantôt truculentes et enjouées (comme la Danse des bouffons dans Mlada), tantôt dansantes et voluptueuses (la danse de la reine dans Le Coq d’or). Je ne peux donc que vous les conseiller ! 


Notes :  

1. Le groupe des Cinq était une association de compositeurs russes qui souhaitaient se libérer de l’influence occidentale en s’inspirant du folklore. Il comprenait Rimski-Korsakov, Balakirev, César Cui, Borodine et Moussorgski.
2. Rimski-Korsakov acheva notamment le Prince Igor d’Alexandre Borodine et Boris Godounov de Modest Moussorgski.
3. Il s’agit bien de « tableaux sonores » car Rimski-Korsakov était atteint de synesthésie, c’est-à-dire qu’il « entendait » les couleurs (par exemple, la note ré lui évoquait du jaune). Quelques compositeurs célèbres eurent ce don étrange, comme Olivier Messiaen ou Alexandre Scriabine.