lundi 11 juin 2018

Édouard Lalo, un précurseur négligé


Comme tous les compositeurs français de son époque et bien que né à Lille, Édouard Lalo (1823-1892) étudia la musique à Paris. Toutefois, et c’est assez rare pour être souligné, il n’intégra jamais le Conservatoire, ni comme élève, ni comme professeur. Cette mise à l’écart volontaire, associée à un tempérament réservé, l’isola des milieux artistiques parisiens. Ainsi, malgré le soutien de Charles Gounod, il vécut pauvrement jusqu’en 1864, date à laquelle il épousa une mezzo-soprano et put enfin tenir un salon musical.

Portrait d'Edouard Lalo dans les années 1860
Portrait de Lalo (1823-1892) dans les années 1860

Ces circonstances favorables permirent à son génie d’éclore. En effet, au cours des années 1870, Lalo écrivit toutes ses plus grandes œuvres : le Concerto pour violon (1873), le Concerto pour violoncelle, Le Roi d’Ys (1875-1881) et la célèbre Symphonie espagnole (1875). C’est grâce à cette dernière qu’il acquit la notoriété. De fait, ce concerto pour violon en cinq mouvements est une œuvre flamboyante et sensuelle, qui avait tout pour devenir populaire. En France, avec la Carmen de Bizet créée un mois plus tard, elle lança la mode du folklore espagnol. La richesse de ses rythmes et la subtilité de son orchestration sont caractéristiques du style de Lalo, influencé par Berlioz et Beethoven (lequel a inspiré son Trio pour piano et cordes N°3, d’une poésie tragique).

Par ailleurs, le compositeur avait un véritable intérêt pour les musiques populaires, et pas seulement espagnoles ! En effet, il a également écrit une Rhapsodie norvégienne, un Concerto russe et un superbe ballet « marocain » intitulé Namouna, plus orientaliste qu’authentique, il faut bien le dire.

La musique de cet opus oublié est absolument incroyable, d’une couleur et d’une fantaisie folles, extrêmement modernes. Même Debussy, pourtant avare de compliments envers ses collègues, le reconnaissait : « Pour trop de stupides ballets, il y eut une manière de chef-d’œuvre : la Namouna d’Édouard Lalo. On ne sait quelle sourde férocité l’a enterrée si profondément que personne n’en parle plus. C’est triste pour la musique. »

Malheureusement, le constat de Debussy est encore valable aujourd’hui et de Lalo, on ne joue plus que la Symphonie espagnole. C’est dommage et c’est ignorer son rôle de précurseur dans des domaines (symphonie, musique de chambre) que les Français avaient abandonné aux Allemands…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire