Vous ne l’avez peut-être pas encore remarqué, mais 2018 est l’année
Debussy : cela fait cent ans que l’illustre compositeur est mort, une
excellente occasion de revenir sur son parcours et son héritage.
Vers un premier succès :
Debussy naquit le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye, dans une famille
de commerçants qui eut l’immense mérite de comprendre et cultiver ses dons
musicaux. Enfant précoce, le petit Claude fut admis au Conservatoire de Paris
en 1872. Il y suivit un parcours on ne peut plus classique auprès d’Antoine
Marmontel (piano) et d’Albert Lavignac (solfège). Malgré leur compétence, le
jeune Debussy n’appréciait guère ces deux professeurs qui l’empêchaient d’expérimenter
de nouveaux accords. Il n’obtint donc aucun premier prix et fut un élève assez
médiocre au vu de sa future carrière.
Cela ne l’empêcha pas de remporter le premier Grand Prix de Rome en
1884. Hélas, le séjour à la villa Médicis ne lui convint guère et ses « envois »
déçurent les maîtres du Conservatoire, qui parlèrent même « d’un
impressionnisme vague » ! Il est vrai que Debussy se cherchait… Un
temps wagnérien, il finit par rejeter son idole pour s’intéresser aux gamelans
javanais et à l’art d’Erik Satie. Ce ne fut qu’après plusieurs années d’une vie
de bohême que son style se fixa, dans son prodigieux Prélude à l’après-midi d’un faune. Inspirée d’une très belle poésie
de Stéphane Mallarmé, cette pièce bouleversa la musique de par son invention,
sa liberté, sa transparence : sa création triomphale en 1894 consacra la
naissance de ce que l’on appelle aujourd’hui l’impressionnisme musical et signa
le début de la fin pour le postromantisme.
La révolution impressionniste :
Debussy développa cette esthétique dans ses autres œuvres pour
orchestre, au premier rang desquelles figurent La Mer (1905) ainsi que Nocturnes
(1900). Dans ces pages, l’écriture a ceci de particulier qu’elle fait ressentir
à l’auditeur l’impression de contempler le paysage décrit (d’où le qualificatif
d’impressionniste). Dans La Mer par exemple,
on croirait percevoir le bruit du vent et du ressac… Un peu comme pour la peinture
impressionniste, de tels effets sont obtenus par une utilisation
particulièrement novatrice des couleurs instrumentales et par le refus de tout académisme :
Debussy détestait les formes établies telles que la symphonie ou le concerto et
prônait un art libre de tout développement, uniquement guidé par le
foisonnement des motifs et des timbres. Il appliqua ces préceptes à ses chatoyantes
Images symphoniques (1907), ainsi qu’à
ses délicats Préludes pour piano
(1909-1913), dont les harmonies nouvelles ont inspiré les plus grands
compositeurs du XXème siècle. De même pour Pelléas
et Mélisande, son unique opéra achevé.
Toutefois, qu’on ne se méprenne pas sur la véritable nature du « debussysme » :
en effet, il ne s’agit pas d’une succession de nouveautés sans queue ni tête ou
d’un simple tour de magie musicale mais d’une véritable poétique ! Son
influence fut profonde, durable et révolutionnaire, si bien que les
musicologues considèrent souvent Debussy comme le premier compositeur moderne.
« Claude de France » :
Claude Debussy sur un ancien billet de 20 francs (1980) |
Lorsque la Grande Guerre éclata, Debussy projeta de composer six sonates
pour divers instruments, en référence aux Concerts
royaux de Couperin. En effet, il associait ce compositeur à l’âge d’or de
la musique française, bien avant que celle-ci soit « pervertie » par
la rigueur de l’art germanique. « La musique française c’est la clarté, l’élégance,
la déclamation simple et naturelle » avait-il coutume de dire. Cette
défense passionnée de la musique nationale au détriment de la musique allemande
le fit d’ailleurs surnommer « Claude de France ». C’est même d’un
fier « Claude Debussy, musicien français » qu’il signa ses ultimes
sonates. Celles-ci sont au nombre de tois (pour violoncelle et piano, pour
flûte, alto et harpe, pour violon et piano) : atteint d’un cancer, le
compositeur n’eut pas le temps d’achever le cycle qu’il souhaitait dédier à
Couperin et mourut le 25 mars 1918, alors que le Pariser Kanon bombardait la
capitale. Si sa mort passa inaperçue à l’époque (premier conflit mondial oblige),
la France ne tarda pas à le fêter comme un héros national. Gageons que cela
continuera en cette année de centenaire !
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