mercredi 7 mars 2018

Debussy ou la révolution impressionniste


Vous ne l’avez peut-être pas encore remarqué, mais 2018 est l’année Debussy : cela fait cent ans que l’illustre compositeur est mort, une excellente occasion de revenir sur son parcours et son héritage.


Vers un premier succès :

Debussy naquit le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye, dans une famille de commerçants qui eut l’immense mérite de comprendre et cultiver ses dons musicaux. Enfant précoce, le petit Claude fut admis au Conservatoire de Paris en 1872. Il y suivit un parcours on ne peut plus classique auprès d’Antoine Marmontel (piano) et d’Albert Lavignac (solfège). Malgré leur compétence, le jeune Debussy n’appréciait guère ces deux professeurs qui l’empêchaient d’expérimenter de nouveaux accords. Il n’obtint donc aucun premier prix et fut un élève assez médiocre au vu de sa future carrière.

Cela ne l’empêcha pas de remporter le premier Grand Prix de Rome en 1884. Hélas, le séjour à la villa Médicis ne lui convint guère et ses « envois » déçurent les maîtres du Conservatoire, qui parlèrent même « d’un impressionnisme vague » ! Il est vrai que Debussy se cherchait… Un temps wagnérien, il finit par rejeter son idole pour s’intéresser aux gamelans javanais et à l’art d’Erik Satie. Ce ne fut qu’après plusieurs années d’une vie de bohême que son style se fixa, dans son prodigieux Prélude à l’après-midi d’un faune. Inspirée d’une très belle poésie de Stéphane Mallarmé, cette pièce bouleversa la musique de par son invention, sa liberté, sa transparence : sa création triomphale en 1894 consacra la naissance de ce que l’on appelle aujourd’hui l’impressionnisme musical et signa le début de la fin pour le postromantisme.

Debussy en 1908, par Nadar
Claude Debussy photographié en 1908 par Nadar

La révolution impressionniste :

Debussy développa cette esthétique dans ses autres œuvres pour orchestre, au premier rang desquelles figurent La Mer (1905) ainsi que Nocturnes (1900). Dans ces pages, l’écriture a ceci de particulier qu’elle fait ressentir à l’auditeur l’impression de contempler le paysage décrit (d’où le qualificatif d’impressionniste). Dans La Mer par exemple, on croirait percevoir le bruit du vent et du ressac… Un peu comme pour la peinture impressionniste, de tels effets sont obtenus par une utilisation particulièrement novatrice des couleurs instrumentales et par le refus de tout académisme : Debussy détestait les formes établies telles que la symphonie ou le concerto et prônait un art libre de tout développement, uniquement guidé par le foisonnement des motifs et des timbres. Il appliqua ces préceptes à ses chatoyantes Images symphoniques (1907), ainsi qu’à ses délicats Préludes pour piano (1909-1913), dont les harmonies nouvelles ont inspiré les plus grands compositeurs du XXème siècle. De même pour Pelléas et Mélisande, son unique opéra achevé.

Toutefois, qu’on ne se méprenne pas sur la véritable nature du « debussysme » : en effet, il ne s’agit pas d’une succession de nouveautés sans queue ni tête ou d’un simple tour de magie musicale mais d’une véritable poétique ! Son influence fut profonde, durable et révolutionnaire, si bien que les musicologues considèrent souvent Debussy comme le premier compositeur moderne.

Billet de 20 francs modèle "Debussy"
Claude Debussy sur un ancien billet de 20 francs (1980)

« Claude de France » :

Lorsque la Grande Guerre éclata, Debussy projeta de composer six sonates pour divers instruments, en référence aux Concerts royaux de Couperin. En effet, il associait ce compositeur à l’âge d’or de la musique française, bien avant que celle-ci soit « pervertie » par la rigueur de l’art germanique. « La musique française c’est la clarté, l’élégance, la déclamation simple et naturelle » avait-il coutume de dire. Cette défense passionnée de la musique nationale au détriment de la musique allemande le fit d’ailleurs surnommer « Claude de France ». C’est même d’un fier « Claude Debussy, musicien français » qu’il signa ses ultimes sonates. Celles-ci sont au nombre de tois (pour violoncelle et piano, pour flûte, alto et harpe, pour violon et piano) : atteint d’un cancer, le compositeur n’eut pas le temps d’achever le cycle qu’il souhaitait dédier à Couperin et mourut le 25 mars 1918, alors que le Pariser Kanon bombardait la capitale. Si sa mort passa inaperçue à l’époque (premier conflit mondial oblige), la France ne tarda pas à le fêter comme un héros national. Gageons que cela continuera en cette année de centenaire !

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