jeudi 6 juillet 2017

Hans Rott : entre Bruckner et Mahler


Un destin tragique :

Imaginez-vous la Vienne des années 1870… Depuis la mort de Mozart et de Beethoven, la capitale autrichienne était demeurée la cité des musiciens. Dans cette ville se trouvaient les plus grands compositeurs du monde germanique : Brahms y vivait et donnait de nombreux concerts tandis que Bruckner enseignait au Conservatoire. Parmi les élèves de cette vénérable institution se trouvaient de futures célébrités comme Gustav Mahler ou Hugo Wolf. Mais il y avait aussi un jeune homme nommé Hans Rott, le meilleur élève aux dires de Bruckner. Encouragé par son professeur, Rott composa sa Première symphonie entre 1878 et 1880. Ce fut sa dernière.

L'unique portrait d'Hans Rott
L'unique portrait d'Hans Rott (1858-1884)
 
Confiant dans son génie, Rott présenta son œuvre à Johannes Brahms, qui la rejeta car remplie « d’autant de belles choses que d’éléments banals ou dépourvus de sens ». La santé mentale du jeune compositeur ne résista pas à cet échec. Lors d’un voyage en train, Rott menaça un autre passager de son revolver en hurlant que Brahms avait bourré la voiture de dynamite pour l’éliminer ! Il fut interné et mourut quelques années plus tard, plongé dans la démence… Bien que Gustav Mahler s’en soit inspiré pour sa « Titan », l’unique symphonie de Rott tomba rapidement dans l’oubli. Par chance, elle fut redécouverte dans les années 1980 et nous pouvons désormais profiter de ce chef-d’œuvre. Car il s’agit bien d’une musique  absolument géniale, ce qui rend plus douloureux encore le destin de son jeune auteur… 


Une symphonie prémahlérienne :

L’unique chef-d’œuvre de Rott comporte quatre mouvements et se conforme donc au schéma symphonique traditionnel. Le mouvement initial commence par un lent  crescendo, comme la plupart des symphonies d’Anton Bruckner. Un thème simple mais majestueux domine l’introduction. Il est rapidement développé par les vents et les cuivres, avant de laisser la place à quelques « péripéties » orchestrales. Ce mouvement s’achève héroïquement, un adverbe qui s’applique d’ailleurs assez bien à l’ensemble de l’œuvre.

L’Adagio qui suit ne fait pas intervenir de mélodie particulièrement remarquable. Bâti sur de savantes progressions harmoniques, il s’agit peut-être du passage le moins intéressant. 

C’est avec le Scherzo qu’éclate le génie d’Hans Rott. Doté d’un souffle prodigieux, ce morceau commence par un thème épique aux cuivres. Les cordes et le triangle prennent ensuite le relais pour mener la danse. L’ensemble paraît enfiévré, fulgurant et a beaucoup inspiré Mahler. Le contraste avec la partie centrale plus délicate voire onirique est énorme. Après une fugue aussi improbable que bien menée, le thème du début revient et conclut dans une joyeuse effervescence.

Vient le Finale. En général, il s’agit d’un mouvement assez problématique pour les symphonistes. Pas pour Rott ! Noté Sehr langsam, ce finale offre une belle conclusion à l’ensemble de l’œuvre. L’usage que le compositeur y fait des silences et du temps musical est tout à fait novateur ; l’orchestration se fait de plus en plus massive, presque mahlérienne par moments. Associées à des thèmes d’inspiration wagnérienne (qui expliquent certainement la désapprobation de Brahms), ces caractéristiques font de ce finale un hymne grandiose à la création artistique. La dernière partie fait apparaître une version transfigurée des thèmes entendus auparavant et laisse un incroyable sentiment d’exaltation. Je dirais que ce finale ressemble à un immense lever de Soleil… Par contraste, la conclusion du mouvement se fait dans le calme et la sérénité. Ah ! Si Rott avait pu vivre…

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