Fidèle à mes habitudes, je ne vais pas commencer l’année avec un compositeur connu, mais avec un artiste au nom pour le moins kabbalistique : Ludvig Irgens-Jensen, né en 1894 et mort en 1969.
Comme son patronyme le laisse entendre, ce compositeur
est norvégien, c’est-à-dire qu’il vient du pays des fjords et des trolls. Toutefois,
nulle trace de telles fééries dans ses œuvres, plutôt sombres et tourmentées,
en phase avec leur époque.
De fait, le grand chef-d’œuvre d’Irgens-Jensen est son
unique symphonie. Il s’agit d’une composition en trois mouvements, écrite en
1943, pendant l’occupation nazie. Sa tonalité de ré mineur reflète parfaitement
cette période sombre de l’histoire et peut être vue comme une dénonciation
acerbe des forces de l’Axe. Ses rythmes de marche, ses tempêtes de cordes et
ses cuivres criards illustrent la violence du conflit et appellent à la
révolte. Ce n’est sans doute pas un hasard si Irgens-Jensen écrivait aussi des
chants patriotiques, qui à cause de la censure allemande circulaient sous le
manteau.
Sur le plan musical, je trouve cette œuvre fascinante.
D’un côté, elle sonne très allemande dans la mesure où elle contient de
nombreux chorals (forme hautement germanique depuis Bach et Luther), ainsi que
des formes sophistiquées mais populaires outre-Rhin (fugue, passacaille). Et d’un
autre côté, elle a ce je-ne-sais-quoi de scandinave, dans sa clarté (crépusculaire,
en l’occurrence) et son harmonie. Le résultat peut sembler étrange, mais je le
trouve impressionnant.
Enfin, si la symphonie vous a convaincu, vous pouvez
tenter l’immense et ardente Passacaille.
Celle-ci fut écrite en 1928, pour un concours qui rendait hommage à Schubert. Son
ton mélancolique et grandiose lui fit gagner la deuxième place, derrière la Sixième Symphonie de Kurt Atterberg. Une
reconnaissance amplement méritée pour cette œuvre à la fois séduisante et
sérieuse, caractéristique de son auteur.
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