mardi 23 octobre 2018

Langgaard et la fin du monde


« Et il vint près du lieu où j'étais, et à sa venue je fus épouvanté et je tombai face contre terre, et il me dit : comprends, fils d’homme, que la vision est pour le temps de la fin. »

C’est de cette citation du livre de Daniel (chapitre 8, verset 17), que Rued Langgaard compositeur Danois et quelque peu mystique a tiré le sujet de son unique cantate, intitulée Edens tid (Fin des temps en français). Composée entre 1939 et 1943, cette œuvre n’est pas un travail original mais reprend quelques extraits de L’Antéchrist, un opéra que le compositeur avait conçu vingt ans plus tôt.

Rued Langgaard dans les années 1940

L’introduction de la cantate est plutôt ample et purement orchestrale. Elle correspond au prélude de l’opéra et instaure un climat de mystère, grâce à une harmonie statique et de nombreux pizzicatos, que rehaussent les interrogations des trompettes. Cette musique laisse l’impression d’une menace insidieuse bien que solennelle. Du reste, elle représente bien l’état d’esprit de Langgaard, musicien misanthrope et qui détestait le monde moderne.

Le second mouvement est intitulé Endens Tid. Il résume le premier acte de l’opéra, qui voit l’Antéchrist prendre le pouvoir sur le monde et imposer sa domination. Comme dans la tradition chrétienne, il est accompagné de la Grande Prostituée de Babylone.

Mais alors que les humains s’adonnent à un hédonisme peccamineux, l’heure du Ragnarök sonne dans un fracas de cuivres et de percussions. Malgré les cris et les supplications des chœurs, l’Antéchrist se révèle incapable d’empêcher l’Apocalypse. Son pouvoir se brise sur les prophéties scandinaves, dans un tourbillon orchestral.

Le titre du dernier mouvement est assez explicite puisqu’il s’intitule Katastrofen... Il représente le chaos de la fin des temps, dans lequel l’Antéchrist et le monde sont détruits. Sur le plan musical, l’atmosphère se rapproche de l’introduction, avec des sonneries de cloches aux effets pour le moins ténébreux. La fin de la cantate est plus calme (telle la mort ou le vide spatial), comme si Langgaard s’était trouvé apaisé par la destruction symbolique de ses semblables.

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