lundi 12 juin 2017

Aladin revu par Carl Nielsen : rythmes et couleurs !


La Suite d’Aladin de Carl Nielsen regroupe les meilleurs numéros d’une musique de scène écrite pour accompagner l’Aladdin d’Adam Oehlenschläger. Le compositeur écrivit la majeure partie de la musique à Skagen, au cours de l’été 1918. Cette œuvre capitale suit donc la Quatrième Symphonie, « Inextinguible ». Pourtant, on ne peut imaginer plus dissemblable que ces deux pièces orchestrales. En effet, là où l’Inextinguible est inquiète et combattive, la Suite d’Aladin est colorée et foisonnante. De fait, elle est constituée de mouvements très pittoresques aux rythmes entraînants. Les richesses de l’orchestration et la recherche de timbres nouveaux ajoutent à cette splendide évocation d’un Orient purement imaginaire voire fantasmé. Car nulle volonté de réalisme ethnologique ici : le seul souci  de Nielsen était – bien plus que l’authenticité – le plaisir du spectateur. Il y a merveilleusement réussi, grâce à son inventivité et son sens de l’exotisme. Tant et si bien que c’est l’une de ses œuvres les plus populaires (il put même l’entendre sur son lit de mort, à l’occasion lors d’un concert radiodiffusé).

Photographie de Carl Nielsen en 1919
Carl Nielsen en 1919, un an après la composition d'Aladin

Brève description de la suite :

Une Marche orientale pleine d’allant ouvre la suite, nous donnant à contempler les splendeurs de Bagdad, que rehaussent les tambours et les cymbales. Sur le plan musical, ce tableau épique dépasse la simple évocation d’une fête au palais du sultan. En effet, l’on y perçoit des dissonances et des modulations inattendues…

Nielsen enchaîne avec Les rêvesd’Aladin et la Danse dans la brume du Matin. Les songes du héros des Mille et Une Nuits sont représentés par une courte et charmante section aux cordes, que suit une danse aérienne. Celle-ci fait appel à de gracieux mélismes joués par les flûtes et les violons. Un tambourin accentue le caractère dansant de ce morceau, tout en apportant une touche de couleur locale. On pense forcément à la Danse arabe dans le Peer Gynt d’Edvard Grieg.

Notée Andantino con moto, la Danse indienne qui suit est une pièce délicate et les bribes de mélodies qui l’imprègnent ne sont pas rappeler quelque charmeur de serpents… L’entrelacs sonore tissé par les cordes contribue aussi à une ambiance mystérieuse, preuve de la fascination qu’éprouvait le compositeur pour l’Inde et ses fakirs.

On passe alors à un autre pays asiatique avec la Danse chinoise. Celle-ci se démarque par son instrumentation et sa rythmique statiques, qu’égaient les voix mélodieuses des violons et des flûtes.

Entre le Vieux et le Nouveau Caire, de Tiffany
Entre le Vieux et le Nouveau Caire, de Louis Comfort Tiffany (1848-1933)

Nielsen enchaîne avec le passage le plus célèbre de la suite : La Place du marché à Ispahan. Ce morceau superpose brillamment quatre idées musicales différentes, symboles de la vie foisonnante et libre du marché oriental. Le compositeur décrivait cette section en ces termes : « Conçue pour quatre petits orchestres, chacun jouant dans ses propres tonalités et ses propres tempos ». Une musique expérimentale donc, mais dont la maitrise prodigieuse et le pouvoir d’évocation étonnent toujours.

Arrive la Danse des prisonniers. Le changement d’atmosphère est brutal puisqu’il s’agit d’une page assez proche des dernières symphonies de Nielsen, tout en dramatisme et en menaces. Le rythme lourd, accentué par les timbales évoque peut-être la marche des prisonniers. En tout cas, ses nombreuses répétitions et ses passages stridents aux cordes dépeignent un tableau inquiétant et barbare.

Le compositeur conclut avec la Danse des nègres. Dès les premières mesures de cet exubérant Allegro, un court solo de timbales plante le décor d’une fête dans un palais oriental. C’est alors qu’un véritable tourbillon sonore se déchaîne, ne laissant aucun répit à l’auditeur. En effet, cette danse des Maures est figurée par des accents énergiques et un rythme obstiné, quasi hypnotique. Sa puissance, ses syncopes appuyées et son orchestration rutilante exacerbent l’impression de dépaysement qu’elle dégage. Le morceau – et avec lui la suite – s’achève dans un climat de joyeuse effervescence, sur quelques coups de timbales.

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