La gloire de Paul Dukas repose entièrement sur un malentendu, intitulé « L’Apprenti sorcier ». Le nom de cette pièce ne vous dit peut-être rien mais il s’agit
pourtant d’un tube, utilisé dans les films Fantasia et Fantasia 2000, des
studios Walt Disney. Ça ne vous revient toujours pas ? Mais si, c’est l’histoire
d’un jeune magicien qui enchante des balais pour faire le ménage à sa place !
Impossible que vous ne connaissiez pas. À l’origine, c’est une ballade de
Goethe, Der Zauberlehrling en bon
allemand. Sur le plan musical, il s’agit d’un scherzo enfiévré et scintillant,
à l’orchestration rutilante. Au début, le thème « magique » est
sautillant, joyeux. Puis il se charge de menaces, devient lourd et maniaque,
tout comme les balais devenus hors de contrôle. Le caractère entêté de ses
thèmes, son instrumentation splendide et efficace firent de cette pièce un
immense succès, jamais démenti depuis 1897.
Portrait de Paul Dukas (1865-1937) |
Hélas ! C’est l’arbre qui cache la forêt, déjà fort dépeuplée… D’une part, Dukas n’a que très peu composé. En effet, il écrivait aussi des critiques musicales, des livres et enseignait au Conservatoire, ce qui lui laissait peu de temps pour la composition. D’autre part, Dukas avait la fâcheuse habitude d’être exagérément soucieux de perfection. Homme timide et secret, il doutait constamment de ses rares partitions et brûlait celles qu’il jugeait indignes d’être présentées au public. Même l’Apprenti sorcier faillit finir au feu !
Ainsi, on estime que le compositeur brûla une symphonie, deux ballets,
une sonate pour violon et piano et peut-être d’autres pièces pour piano seul.
Toutes les œuvres qu’il nous reste de lui font donc figure de miraculées. Comme
la souhaitait leur créateur, elles sont toutes parfaites en leur genre :
la Symphonie en ut majeur, splendide trait d’union entre le romantisme et
Debussy, la Sonate pour piano, digne d’un Beethoven, La Péri, ballet oriental à
l’orchestration d’une incomparable beauté, Ariane et Barbe-Bleue, opéra
symboliste extrêmement riche en interprétations. Tous ces chefs-d’œuvre montrent
que Dukas n’est pas l’homme d’une seule œuvre ! Des représentations plus
fréquentes permettraient de lever ce triste malentendu…
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