mercredi 16 mai 2018

Manuel de Falla, le génie espagnol


Manuel de Falla naquit en novembre 1876 à Cadix, d’un père catalan et d’une mère andalouse. Celle-ci était une bonne pianiste et dirigea ses premières études musicales, avant qu’il suivît les cours de Trago (piano) et de Pedrell (composition) au Conservatoire de Madrid. Bien qu’il s’y initiât au folklore espagnol, cette période ne fut pas très fertile pour de Falla.

En fait, sa réputation grandit entre 1907 et 1914, années où il vécut à Paris dans des conditions très précaires. Il y rencontra les plus grands compositeurs français, nouant une solide amitié avec Maurice Ravel, Paul Dukas (à qui il dédia un Hommage posthume) et Claude Debussy. Pour Manuel de Falla, l’influence de ce dernier fut déterminante. En effet, Debussy lui révéla un univers fascinant et nouveau, à l’harmonie toute particulière. Face à l’Iberia de son mentor, de Falla comprit l’importance de l’evocación dans la musique espagnole. Il s’en inspira pour deux de ses œuvres majeures : les ballets El Amor brujo (L’Amour sorcier) et El Sombrero de tres picos (Le Tricorne), créés en 1915 et 1919.

Gravure représentant Manuel de Falla

Dans ces deux musiques de scène, Manuel de Falla se forge un style original et authentiquement espagnol. Le folklore n’y est pas copié servilement mais réinventé. Ainsi, les mélodies ne sont pas forcément populaires, même si elles en ont la saveur. Les rythmes s’inspirent aussi des danses traditionnelles, nombreuses dans la péninsule ibérique. El Amor brujo comporte un tel morceau, devenu particulièrement célèbre : la Danse du feu. De nombreuses versions existent mais ne supplantent pas l’orchestration originale, sobre mais colorée.

Après ces deux ballets plutôt expansifs, le style de Manuel de Falla s’est fait plus intime, moins exubérant. En témoignent ses deux « concertos ». Intitulé Nuits dans les jardins d’Espagne, le premier fait intervenir le piano et l’orchestre. Bien qu’il comporte les trois mouvements classiques, ce n’est pas un vrai concerto. En effet, il s’agit plutôt d’une série de trois impressions, où le soliste n’est jamais prédominant. Le mouvement initial est un large nocturne situé dans le Généralife (les jardins de jasmin du palais de l’Alhambra). L’atmosphère y est mystérieuse, debussyste. Le morceau suivant est une danse exotique assez courte et retenue, sur un rythme obstiné. Quant à la dernière pièce, elle évoque Cordoue un jour de Fête-Dieu et commence dans la joie, pour s’achever sur des accents méditatifs. Dans ces trois « mouvements », le parfum reste espagnol, bien qu’il se fasse moins sentir. En fait, tout y est plus poétique, plus subtil. À mon sens, c’est la meilleure œuvre de Falla.

Les jardins du Généralife à Grenade
Les jardins du Généralife à Grenade

Le deuxième concerto est pour clavecin et cinq instruments, disposition plus originale et presque ascétique. Ce fut la dernière grande pièce achevée par Falla. En effet, pendant les vingt dernières années de sa vie, il travailla sur un immense opéra-oratorio, La Atlantida. Il considérait cette œuvre comme le couronnement de sa carrière et y épuisa ses forces. Lorsqu'il mourut en 1946, elle était inachevée. Sur autorisation spéciale du Pape, Manuel de Falla fut enterré dans la cathédrale de Cadix. Le plus grand compositeur espagnol méritait bien ça.

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