Tarass Boulba est un poème symphonique en trois parties inspiré du
roman de Nikolaï Gogol. Il fut créé à Brno le 04 octobre 1921, sous la
direction de Vaclav Neumann. Composé au cours de la Première Guerre Mondiale,
cette œuvre tisse un parallèle entre Tarass Boulba, fier Zaporogue qui lutta
contre les Polonais au XVIIème siècle, et les Tchèques sous le joug de la
monarchie austro-hongroise. Janáček
a choisi d’illustrer les « temps forts » de ce récit mythique :
la mort des deux fils de Tarass (Andreï, qui a trahi son peuple par amour,
meurt sous les coups de son père ; Ostap, fait prisonnier par les
Polonais, est exécuté publiquement), puis la mort de Tarass lui-même, capturé à
son tour et brûlé vif.
Tarass Boulba, d'Alexandre Bubnov (1908-1964) |
Le
premier mouvement illustre la mort d’Andreï. Une mélodie voluptueuse et
sensuelle, d’abord confié au cor anglais puis au violon solo, symbolise l’amour
du Cosaque pour une belle Polonaise. Le catholicisme de la jeune femme
est évoqué par l’orgue (les églises orthodoxes ne comportent pas cet
instrument). L’irruption régulière des cloches et de fortissimos aussi soudains
qu'inattendus rappellent que la guerre fait rage entre les Polonais et les Cosaques. Ce
lyrisme contrarié par le tocsin débouche sur un thème violent aux cuivres :
c’est celui de Tarass, qui tue son fils en combat singulier.
La mort d’Ostap
commence dans le chaos : les thèmes sont fragmentés, se heurtent puis s’organisent
peu à peu en marche au supplice, où passent des rythmes de mazurka. L’orchestre
palpite et pousse des cris déchirants : ce sont les souffrances du jeune
Cosaque. Enfin, la clarinette lance un appel strident. Ce sont les dernières
paroles d’Ostap : « Père, où es-tu ? M’entends-tu ? »
Le
dernier mouvement retranscrit la mort de Tarass Boulba. Le héros se retrouve
attaché à un arbre et brûlé vif. Dans les flammes, il reste fier et stoïque,
les yeux vers le ciel. Il a la vision de ses compagnons qui échappent aux
Polonais et refont leurs forces. Il lance alors sa célèbre prophétie : « Il
n’existe pas de feux ni de souffrances qui puissent vaincre la force russe ! »
Le finale met l’accent sur cet épisode épique, glorifiant le génie slave :
les timbales marquent le rythme, les cordes s’envolent et les cuivres plaquent
des accords majestueux. Il ne s’agit pas d’une mort, mais d’une apothéose.
Celle du peuple russe.
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