lundi 28 mai 2018

Marcel Tyberg, un destin tragique


Marcel Tyberg naquit en 1893 à Vienne, dans une famille de musiciens : son père était violoniste, sa mère jouait du piano. On sait peu de choses sur son éducation musicale, si ce n’est que dans un tel environnement, la composition dut lui  sembler naturelle. À Vienne, Tyberg composa une Sonate pour piano, ainsi qu’une Première Symphonie. En 1927, suite à la mort de son père, il déménagea avec sa mère pour la ville croate d’Abbazia, alors italienne. Sa Seconde Symphonie fut créée au début des années 1930. Un Trio pour piano et cordes la suivit. 

Lorsque l’armée allemande occupa le nord de l’Italie en 1943, la mère de Tyberg, conformément aux lois nazies, fit enregistrer que l’un de ses arrière-grand-pères était juif. Elle mourut peu de temps après, d’une manière tout à fait naturelle. Évidemment – vous me voyez venir – son fils n’eut pas la même chance puisqu’il fut arrêté puis déporté vers les camps de la mort. Les documents nazis enregistrent son décès à Auschwitz-Birkenau, le 31 décembre 1944.

Entrée du camp d'Auschwitz-Birkenau
Le camp d'Auschwitz, où Marcel Tyberg fut victime de la violence nazie

Un tel drame aurait pu détruire l’œuvre de Tyberg. Après tout, qu’est-ce qu’une symphonie ou une sonate ? En premier lieu du papier, une partition fragile et périssable. Toutefois, peu avant son arrestation, Tyberg avait eu la clairvoyance de donner ses manuscrits à Milan Mihich, l’une de ses plus proches connaissances. C’est ce qui a permis la résurrection de son œuvre, réalisée par l’Orchestre philharmonique de Buffalo, sous la baguette de JoAnn Falletta. D’ailleurs, ces artistes ont enregistré les deux dernières symphonies. Lorsqu’on écoute ces disques Naxos, on mesure combien Tyberg était doué… Sa Troisième Symphonie, en particulier, est un véritable chef-d’œuvre, dans une veine postromantique et grandiose, digne de Bruckner et Brahms. Le premier mouvement est animé par une force tellurique, avec ses exclamations majestueuses et ses cordes torrentielles, qu’on retrouve dans le Scherzo, mahlérien et faussement joyeux, peut-être une évocation de la guerre. Quant à l’Adagio qui suit, sa mélancolie et ses thèmes schubertiens constituent un sublime chant du cygne (l’œuvre fut écrite en 1943, juste avant la déportation puis la mort du compositeur). 

Si les symphonies de Tyberg sont parfois jouées aux États-Unis, ce n’est malheureusement pas le cas en Europe. C’est dommage et injuste ; j’espère qu’en les écoutant, vous en serez convaincu…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire