mardi 26 février 2019

Le Tchaïkovski soviétique


Dans le monde merveilleux de la musique, un Tchaïkovski peut en cacher un autre ! En effet, celui dont je vais vous parler aujourd’hui n’a aucun lien familial avec son célèbre homonyme Piotr Ilitch. Il n’a même pas vécu à la même époque, puisqu’il naquit en 1925 à Moscou, ville qui venait de devenir la capitale de l’URSS. Comme tous les grands musiciens moscovites, Boris Tchaïkovski fit ses études au Conservatoire. Il y eut des professeurs prestigieux comme Nikolaï Miaskovski, qui l’encouragèrent à composer sa Symphonie N°1. Il acheva cette œuvre en 1947 et la présenta à Chostakovitch, le plus célèbre compositeur soviétique à l’époque. Celui-ci en fit l’éloge et voulut la faire jouer, entreprise qui tomba à l’eau en 1948, du fait de sa mise au ban par Jdanov.

Portrait de Boris Tchaïkovski
Boris Tchaïkovski (1925-1996)

Malgré ce revers, et l’interdiction de faire jouer sa symphonie, dont le rythme infernal, les accents désespérés et le ton pessimiste violaient les règles du socialisme, Tchaïkovksi obtint son diplôme en 1949 et put travailler pour la radio. Il y écrivit quelques œuvres, dont une très belle suite orchestrale destinée à une version radiophonique de La forêt qui murmure, un conte de Vladimir Korolenko. Dans cette pièce, sans doute inspiré par le groupe des Cinq, Tchaïkovski montre son instinct pour la musique illustrative et épique, riche en thèmes mémorables et en atmosphère. Bref, je la recommande fortement.

Toutefois ce ne fut pas son œuvre radiophonique qui rendit notre compositeur célèbre, mais son impressionnante Seconde Symphonie. Composée vers 1967, elle permit à Tchaïkovski de remporter le prix d’État de l’URSS en 1969. Il faut dire que c’est un chef-d’œuvre, équilibré bien qu’un peu long. Il ne faut pas croire qu’il s’agirait d’une vague copie de Chostakovitch, même si on sent l’influence de ce maître incontournable… Tchaïkovski a sa propre personnalité et la fait entendre dans cette œuvre à la fois très classique et annonciatrice de ses futures expérimentations (pupitres éparpillés mais qui se rejoignent dans les climax, dissonances marquées).

En effet, à partir des années 1970, Boris Tchaïkovski s’intéressa à la musique sérielle. Il revint très vite à une esthétique plus traditionnelle, qu’il enseigna jusqu’à sa mort en 1996, non sans avoir laissé une dernière symphonie et plusieurs préludes pour orchestre.

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