mardi 31 janvier 2017

Carl Orff : le génie dévoyé


La gloire du Bavarois Carl Orff (1895-1982) se résume à une seule œuvre : les Carmina Burana (Chants de Beuren en latin), un gigantesque oratorio pour solistes, chœurs et orchestre inspiré par des poèmes d’amour médiévaux. C’est le premier morceau de l’œuvre qui est resté particulièrement célèbre et il n’est pas rare de l’entendre au cinéma ou à la télévision. Intitulé O fortuna, il se caractérise par sa puissance sonore. Celle-ci est obtenue par un traitement homophonique du chœur et de l’orchestre, auquel s’ajoute un climat à la fois mystérieux et épique. Le reste de l’œuvre est dans la même veine : force, répétitions qui visent à l’envoûtement de l’auditeur, thèmes simples rythmés par une percussion abondante.

Portrait de Carl Orff
Tout cela sonne très « völkisch », au sens national-socialiste du terme. Pas étonnant : les Carmina Burana furent repris par les Nazis, qui y voyaient l’idéal de l’art aryen. Orff n’est d’ailleurs pas totalement étranger à cet état de fait : sympathisant du NSDAP, il connaissait Joseph Goebbels (le ministre du Reich à l’Education du peuple et de la Propagande JDLR) et s’acquitta parfaitement de sa tâche de compositeur officiel du IIIème Reich.

Pour couronner le tout, Orff était particulièrement arrogant, n’hésitant pas à se qualifier lui-même de « plus grand compositeur du XXème siècle » (exit Stravinsky, Prokofiev, Sibelius, Chostakovitch…). A sa décharge, il mit au point une ingénieuse méthode d’apprentissage de la musique, basée sur le rythme et les percussions. Toujours employée en Allemagne, cette méthode a permis à des milliers d’enfants d’apprendre le langage musical. Mais ce succès n’efface pas l’attitude d’Orff pendant la guerre, tout à fait scandaleuse (il alla jusqu’à ignorer les appels à l’aide de ses connaissances « déviantes »).

Il n’empêche que j’écoute toujours les Carmina Burana avec plaisir et fascination, emporté par la puissance brute de cette œuvre hors-norme. Mettez donc vos scrupules idéologiques de côté (si toutefois vous en avez) et laissez-vous tenter à votre tour par l’envoûtante cantate de Carl Orff. Je vous garantis qu’elle vaut le détour.

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